La Maison de Charité de Saint Denys de la Chapelle PARIS 18ème (2 ème partie)

La 3ème implantation des Filles de la Charité

Les Sœurs prennent possession de leur nouvelle habitation le 14 mars 1896, veille de la Fête de leur Fondatrice. La rue Jean-Cottin est une impasse parallèle à la grande artère de la rue de La Chapelle, en plein Nord de PARIS, au bas de la Butte Montmartre. Le nouvel établissement comprend deux corps de bâtiments rectilignes, de trois étages, séparés par une grande cour plantée d’arbres. C’est une construction solide faite de pierres meulières, scellées avec du ciment armé.

La maison rue Jean Cottin

Le bâtiment sur rue comprend au rez-de-chaussée : la cuisine, des réfectoires et le dispensaire ; au 1er étage : une grande chapelle et les appartements de la Communauté : aux étages supérieurs : l’internat et l’atelier professionnel. Le bâtiment sur cour est réservé aux classes. Il comporte une salle de théâtre et une salle de gymnastique.

Le dortoir des internes

La Maison est de suite dédiée au Sacré Cœur, avec toutes ses œuvres. Les Sœurs en demeurèrent propriétaires jusqu’en 1925, date du décès de la donatrice. Les Congrégations étant alors privées du droit d’héritage par une loi gouvernementale, elles sont contraintes de passer au rang de locataires et de payer un loyer à la Société Immobilière de la Ville de PARIS.

Depuis leur installation au n° 7 de la rue Jean-Cottin, les œuvres connaissent le même succès que rue Jean Riquet.  L’école, de plus en plus florissante, reçoit d’abord 500 élèves. La Compagnie des Chemins de Fer du Nord et de l’Est passe un contrat avec les Sœurs pour prendre en charge toutes les petites filles des Cheminots. Chaque année il faut établir des listes avec tous les renseignements concernant ces enfants et la Compagnie s’engage à payer leur scolarité.

Les jeux dans la cour

Avec une bonne instruction élémentaire, une solide éducation religieuse est donnée à toute cette jeunesse. Dix ans plus tard, survient la laïcisation. On apprend qu’en octobre 1906, l’école serait dissoute et que les 500 élèves des Sœurs devraient se faire inscrire dans les écoles laïques du quartier. C’est alors qu’une révolte des familles les porte à signer une pétition tellement éloquente qu’elle est entendue par les autorités civiles. Tandis que des centaines d’écoles congréganistes doivent obéir au décret de fermeture, la rue Jean Cottin, avec quinze autres privilégiées, continuent de fonctionner. On appelle ces seize écoles « Ecoles préservées », lesquelles d’un commun accord font le vœu d’accomplir, avec leurs élèves, deux pèlerinages chaque année, à l’Eglise Sainte Jeanne d’Arc et à la Basilique du Sacré Cœur.

La procession

Mais un second décret de fermeture a lieu le 13 juin 1911. Quelle triste distribution des prix est celle de juillet : les larmes y coulent abondantes humainement parlant ; cette distribution de prix doit être la dernière. Ajoutons-le vite avec reconnaissance, les Sœurs reçoivent le 20 août, la bonne nouvelle d’un sursis, et depuis, elles n’entendent plus parler de fermeture.

La rue Jean-Cottin est située non loin de la Porte de La Chapelle, lieu où s’élèvent les fameuses fortifications qui ceinturent PARIS. En 1933, on abat ces fortifications pour ouvrir, sur leur emplacement de grands chantiers d’habitations, les H.B.M. (1) afin de solutionner le problème des logements susceptibles de recevoir des personnesqui logent dans de vieux wagons ou dans des roulottes malsaines. En quelques mois, les immeubles sont peuplés de familles nombreuses. 

C’est un nouveau quartier pour recevoir les enfants dans les classes, à titre gratuit, et créer au milieu de ces bâtisses neuves, un dispensaire. Il y a une « école maternelle temporaire » désaffectée, qui peut devenir le local tant souhaité. Il faut attendre quelques temps pour voir s’aplanir les difficultés. La guerre solutionne le problème. Le projet est accueilli favorablement par la Société des H.B.M., par Monsieur le Maire et par Monsieur le Curé. Le Secours Catholique promet une aide. 

Consultations nourrissons

En 1942, le bail est signé et pris en charge par une famille bienfaitrice. Le 2 juillet, le dispensaire est ouvert. Les locaux, adaptés à leurs nouvelles attributions, sont bénis avec une petite chapelle au centre de ce quartier neuf. Deux prêtres de la Paroisse assurent trois Messes le dimanche dans la grande salle du patronage, où en semaine les catéchismes et le patronage groupent 250 enfants. 

Salle Patronage chapelle dimanche

Deux Sœurs partent tous les matins de la rue Jean-Cottin, pour assurer le service des soins au dispensaire et à domicile. Le côté médical comprend de multiples consultations et un service radiologique. Le côté social comprend l’enseignement ménager pour les mamans et les jeunes filles, une bibliothèque, une chorale, un groupe théâtral, des réunions de ciné-club. 

Le problème scolaire pour toutes les fillettes de la zone est moins difficile à résoudre. Dès 1933, un grand nombre fréquentent l’école du Sacré Cœur, rue Jean-Cottin, ce qui fait monter l’effectif à 650 élèves. Chaque soir les Sœurs reconduisent leur petit troupeau jusqu’au carrefour du Boulevard Ney, pour aider les enfants à traverser les rues dangereusement encombrées.

L’enseignement ménager

De nombreux jeunes répondent à l’appel de PIE XI qui demande à tous les travailleurs de se grouper dans des organisations professionnelles. Le Syndicat féminin fondé par Sœur MILCENT, Fille de la Charité, regroupe les jeunes travailleuses pour la défense de leurs intérêts communs et la sauvegarde des principes de l’Evangile. En 1935, les anciennes de Jean-Cottin forment la section syndicale féminine la plus nombreuse de PARIS et reçoivent les félicitations de la C.F.T.C. (2). Les réunions et les cercles d’études enrichissent leurs connaissances sociales et mûrissent leur volonté de combat pour la justice et la charité.

Des jeunes de 14 à 18 ans entrent dans le Mouvement d’Action Catholique, « Les Joyes de France ». Leur devise est « Servir dans la joie ». Leur but est d’être un groupement d’amitié chrétienne. La cérémonie de la Promesse est faite en plein air, devant une nombreuse assistance ; en toute sincérité, elles lèvent la main et s’engagent. Leur exemple édifie, conquiert beaucoup d’autres jeunes.

Les fillettes de 11 è 14 ans ont aussi leur Mouvement. Ce sont les « Ames Vaillantes ». Les parents des 80 petites Ames Vaillantes veulent avoir leurs réunions et apprendre, comme leurs enfants, à vivre en paix avec tous.

Pour faciliter le développement physique des grandes dans une ambiance saine et joyeuse, une jeune Fédération, « Le Rayon Sportif Féminin », prends naissance rue du Bac à l’ombre de la Vierge Immaculée. Les enfants de Marie sont les premières à y adhérer. Le groupe de Saint-Denys La Chapelle est inséré dans le Journal Officiel en juin 1938 sous le titre de « Chevalières de Jeanne d’Arc ».

Les toutes petites de 7 à 11 ans sont fières d’entrer dans l’Association des « Croisés de la Médaille Miraculeuse ». Elles ont leurs réunions, leur feuille mensuelle, leur récollection et ont adopté une Mission à Madagascar. Dans leur petit ouvroir elles confectionnent des robes, des tabliers, chandails, pour leurs filleuls noirs, les Antaisakas (3), et correspondent avec eux. La Croisade de la Médaille Miraculeuse laisse, en 1937, la place à la Croisade Eucharistique, qui a pour devise : « Prie, communie, sois apôtre ».

Il y a aussi l’œuvre du Trousseau où des jeunes filles confectionnent leur trousseau, en développant chez elles l’amour du foyer domestique.

Les patronages du jeudi et du dimanche après-midi, réunissent deux à trois cents enfants, heureuses de venir s’ébattre dans la cour de leur école, jamais lasses de revoir les mêmes Sœurs qui leur font la classe les 5 jours scolaires.

Salle Patronage chapelle dimanche

Les colonies de vacances emmènent chaque année 60 à 100 fillettes sur les plages, en montagne ou à la campagne. La plupart d’entre elles seraient restées à PARIS durant les deux mois de vacances, faute de moyens qui permettent aux familles de les envoyer s’aérer en Province.

L’Ecole Technique, anciennement l’Ouvroir dénommé ensuite Atelier Professionnel, prépare en 3 années, le C.A.P. de couture, celui de lingerie ou d’enseignement ménager. Soixante à cent enfants de 12 à 16 ans fréquentent cette école qui fut fermée en 1954, faute de trouver un emploi aux sortantes munies du C.A.P.

L’atelier professionnel

Le Dispensaire de la rue Jean-Cottin fonctionne dès l’ouverture de la maison. Quatre Sœurs font la visite du quartier, donnent des soins, consolent et aident les mourants. Elles ont un grand rayonnement auprès des habitants de Saint Denys de la Chapelle. 

La classe des grandes

Cette époque de 1900 à 1940 est aussi celle de l’exode des campagnes par de nombreuses jeunes filles attirées à PARIS où les distractions et les salaires leur offrent des avantages dont elles veulent profiter. La Maison du Sacré Cœur de la rue Jean-Cottin fonde la Bonne Garde pour accueillir 40 de ces jeunes travailleuses.

  Le Service des Archives de la Province Belgique France Suisse des Filles de la Charité

                             (68ème article historique depuis janvier 2020)

  1. H.B.M. Habitations à Bon marché
  2. C.F.T.C. Confédération Syndicale des Travailleurs Chrétiens
  3. Antaisakas, peuple côtier de Madagascar dans le sud-est de l’île