Les FILLES DE LA CHARITE de CLERMONT-EN-ARGONNE 1866-1995 – L’hospice Sainte Marie

Clermont-en-Argonne est une commune française située dans le département de la Meuse, arrondissement de Verdun, en Lorraine.

En 1865, Mademoiselle Marie HUMBERT, dernière héritière de la faïencerie, lègue à la Commune sa maison et une rente pour la fondation d’un hospice et de son entretien. Sur demande de l’Administration, les Filles de la Charité sont appelées pour gérer l’hospice. Trois Sœurs sont arrivées à Clermont-en-Argonnes le 31 octobre 1866. Le Traité et un Règlement permettent de comprendre l’organisation initiale de l’hospice et la place qu’occupent les Sœurs dans l’établissement.

Le Traité est conclu entre Sœur Lequette, Supérieure générale, et l’Administration de l’hospice, en date du 31 8bre (août) 1866. Les huit premiers articles, sur les quinze, précisent les conditions de l’arrivées des Sœurs.

Article 1er Trois Filles de la Charité seront chargées au service intérieur de l’Hospice. La Supérieure rendra compte tous les mois des menues dépenses mais non de la somme qu’elle recevra pour l’entretien des Sœurs.

Article 2ème Le nombre de ces Filles de la Charité ne pourra point être augmenté sans une autorisation spéciale du Préfet.

Article 3ème Les Filles de la Charité seront placées, quant aux rapports temporels, sous l’autorité de la Commission Administrative, et tenues de se conformer aux Lois, décrets, ordonnances et règlements qui régissent l’Administration hospitalière.

Article 4ème La Sœur supérieure aura la surveillance sur tout ce qui se fera dans la maison pour le bon ordre. Elle sera chargée des clés de la maison, et veillera à ce que les portes soient fermées à la nuit tombante et ne soient ouvertes que quand il fait jour, sauf les besoins du service.

Article 5ème Il sera fourni aux Sœurs un logement séparé et à proximité du service. Elles seront meublées convenablement, nourries, blanchies, chauffées et éclairées aux frais de l’hospice, qui leur fourni aussi le gros linge, comme draps, taies d’oreillers, essuie-mains, torchons et tabliers de travail. Il sera dressé, à l’entrée des Sœurs, un inventaire du mobilier qui leur sera donné, et il sera procédé, chaque année, au récolement de cet inventaire.

Article 6ème L’Administration de l’hospice paiera, chaque année, pour l’entretien et le vestiaire de chaque Soeur, une somme de deux cents francs par trimestre et par avance.

Article 7ème Celle qui sera Supérieure et la Commission administrative de l’hospice auront respectivement la faculté de provoquer le changement des Sœurs. Dans le premier cas, les frais du changement seront à la charge de la Congrégation, et dans le second, à celle de l’Etablissement charitable.

Article 8ème L’hospice sera tenu de payer les frais du premier voyage et du port des hardes. Il en sera de même lors du remplacement d’une Soeur par décès, ou lors de l’admission autorisée de nouvelles Sœurs, en sus du nombre fixé par le présent Traité. Dans ce dernier cas, les Sœurs admises seraient aux mêmes conditions que les premières.

Sur convocation écrite de M. le Maire, la séance du lundi 24 décembre 1866 à 9 heures, la Commission administrative établit le Règlement pour le Service intérieur de l’hospice.

« … L’hospice reçoit les vieillards malades, les personnes malades ou infirmes… Le maximum de la population est fixé à 5 hommes et 5 femmes… les vieillards indigents et valides doivent avoir au moins 70 ans et 8 ans de résidence continue dans la Commune… Les personnes sont admises par décision de la Commission administrative… La Supérieure remplira la fonction d‘Econome et tiendra un journal des recettes et des dépenses…

Les Sœurs hospitalières sont chargées du service intérieur. Elles soignent les malades et les indigents, elles distribuent les vêtements, les médicaments et les aliments. Elles surveillent les ateliers de travail… La Supérieure réglera, après avis du médecin, les heures du lever et du coucher du malade, ainsi que l’heure des repas… Les parents et amis des malades, vieillards et infirmes ne sont admis à la visite que deux fois par semaine, les Dimanche et Jeudi de midi à deux heures… Les Indigents ne pourront sortir que les Dimanches et les jours de fête légale, à deux heures de l’après-midi et la rentrée à quatre heures et demie en hiver et sept heures en été.

A partir du 1er janvier 1867, les membres de la Commission exercent à tour de rôle la surveillance journalière sur toutes les parties du service intérieur (une liste est faite avec le nom d’un membre chaque mois de janvier à juin). Ce Règlement est approuvé et signé par le Préfet le 8 Février 1867. 

Au cours des années, d’autres œuvres s’ajoutent : La Supérieure visite les malades de la Commune. Des soins sont assurés auprès des pauvres de la Ville.

En 1904, l’hôpital fut construit dans les anciennes écuries de la gendarmerie.

En 1914, les archives de la maison sont détruites.

En 1971, la Communauté est de cinq Sœurs. Une Soeur fait la Catéchèse et le patronage en plus de son service à l’Hôpital qui compte 90 lits : 12 lits de médecine et 78 lits de vieillards.

L’établissement a beaucoup évolué avec le passage de 10 à 35, puis à 100 pensionnaires, ce qui a nécessité de faire appel à un personnel civil extérieur ; le nombre de Sœurs diminue progressivement et, en 1995 c’est le départ des deux dernières Sœurs.

Une centaine de Sœurs sont passées dans cette maison durant près de 130 ans.

A leur départ, est évoqué le nom de Sœur Gabrielle ROSNET. Elle est arrivée à Clermont-en-Argonne le 18 juin 1909 âgée de 37 ans, venant de Lyon, où elle est restée 18 ans. En 1911, elle est nommée Sœur servante de l’Hôpital. En bonne auvergnate, elle a mené ses œuvres avec bonté et ténacité.

Elle a défendu les vieillards auprès des allemands qui voulaient prendre l’établissement. Elle refuse l’évacuation et demeure aux côtés des 42 vieillards et infirmes. Le 5 septembre 1914 des coups de crosse firent voler la porte de l’Hôpital livrant passage à trois officiers allemands, qui sous la menace des revolvers exigent la remise des locaux. Elle tend un billet sur lequel elle avait écrit :

« Hier l’autorité militaire m’a forcée de partir, j’ai refusé, donnant pour prétexte mes vieillards et mes infirmes. Je les confie à votre magnanimité. J’espère que je ne serai pas trompée ».

L’officier médusé baisse son arme. « Vous êtes brave, je respecterai votre maison ».

Le lendemain, 5 septembre 1914, Clermont brûle partout, le feu atteint l’Hôpital, les vitre claquent. Sœur Gabrielle court à l’Etat-Major disant :

« Vos officiers m’avaient donné leur parole que l’asile serait épargnée ; ils l’ont reniée ».

Le Général allemand entre dans une colère effroyable ; Soeur Gabrielle ne perd pas son calme et gagne sa cause. Un quart d’heure après, un détachement du génie arrive avec des pompes, l’Hôpital est sauvé, mais la Ville réduite en cendres.

Pendant cette période, elle soigne les blessés allemands. Pendant 24 heures elle est soumise toutes les trois heures à un simulacre d’exécution, adossée à la porte de la cour et avec un raffinement de cruauté. L’arrivée d’un grand blessé allemand auquel elle dû donner ses soins la tira de ce mauvais passage. L’occupation dura 15 jours. Après le départ des allemands, elle mit toutes ses forces au service des petits soldats qui arrivaient de toutes parts, et dans quel état !

La guerre terminée, elle reprend sa vie quotidienne, aide et encourage au relèvement des ruines, console les mères, les épouses de ceux qui ne sont pas revenus à Clermont. En 1927, Soeur Gabrielle part en retraite à la Maison Mère. Sa tâche est terminée, elle ne reviendra pas, elle est terrassée par une crise cardiaque à la fin de la retraite ; elle a 56 ans. Mais à la demande des clermontois, la Communauté a accepté son retour dans le caveau des Sœurs de Clermont-en-Argonne, près des petits soldats de 1914-1918.

Le service des Archives de la Province Belgique-France-Suisse